Lu et Approuvé: Ce que je sais de toi d'Éric Chacour

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Ami.e.s De Lire bonjour,


Bienvenue dans notre rubrique Lu et Approuvé.

Aujourd'hui nous allons parler du roman d'Éric Chacour intitulé Ce que je sais de toi, paru en aout 2023 aux éditions Philippe Rey, 304 pages. Ce roman est lauréat du Prix Première Plume 2023 à ce jour.


LE SAVIEZ VOUS ?

Éric Chacour est né à Montréal de parents égyptiens, ayant partagé sa vie entre la France et le Québec. Diplômé en économie appliquée et en relations internationales, il travaille aujourd’hui dans le secteur financier. Il a toujours été passionné par la littérature et l’écriture, qu’il considère comme un moyen d’explorer la nature humaine et de raconter des histoires universelles. Il s’est inspiré de son propre vécu, de ses origines et de ses voyages pour écrire son premier roman, Ce que je sais de toi, qui a été salué par la critique et les lecteurs.

La communauté des Levantins en Égypte était composée de personnes d’origine européenne, byzantine, arménienne ou mixte, qui vivaient dans le pays sous la tutelle ottomane ou égyptienne. Ils étaient souvent chrétiens, francophones ou anglophones, et impliqués dans le commerce, la culture et la politique. De nos jours, il ne reste plus qu’une poignée de Levantins en Égypte, principalement au Caire et à Alexandrie. Ils sont souvent nostalgiques de leur passé glorieux et cherchent à préserver leur héritage culturel.

Le Printemps arabe est un ensemble de contestations populaires qui ont secoué le monde arabe entre 2010 et 2012 : la Tunisie, l’Égypte, la Libye, le Yémen, la Syrie, le Bahreïn, le Maroc et l’Algérie. Ces révoltes ont visé à renverser des régimes autoritaires, à lutter contre la pauvreté et le chômage, et à revendiquer plus de libertés et de démocratie.


Présentation



Le Caire, années 1980. La vie bien rangée de Tarek est devenue un carcan. Jeune médecin ayant repris le cabinet médical de son père, il partage son existence entre un métier prenant et le quotidien familial où se côtoient une discrète femme aimante, une matriarche autoritaire follement éprise de la France, une sœur confidente et la domestique, gardienne des secrets familiaux. L’ouverture par Tarek d’un dispensaire dans le quartier défavorisé du Moqattam est une bouffée d’oxygène, une reconnexion nécessaire au sens de son travail. Jusqu’au jour où une surprenante amitié naît entre lui et un habitant du lieu, Ali, qu’il va prendre sous son aile. Comment celui qui n’a rien peut-il apporter autant à celui qui semble déjà tout avoir ? Un vent de liberté ne tarde pas à ébranler les certitudes de Tarek et bouleverse sa vie.


Premier roman servi par une écriture ciselée, empreint d’humour, de sensualité et de délicatesse, Ce que je sais de toi entraîne le lecteur dans la communauté levantine d’un Caire bouillonnant, depuis le règne de Nasser jusqu’aux années 2000. Au fil de dévoilements successifs distillés avec brio par une audacieuse narration, il décrit un clan déchiré, une société en pleine transformation, et le destin émouvant d’un homme en quête de sa vérité.


Le cœur entre deux mondes 

Le Caire des années 1980. Tarek, un jeune médecin, suit le destin tracé pour lui par sa famille : il reprend le cabinet hérité de son père, il épouse Mira, sa première petite amie, et il vit sous l’autorité de sa mère, une femme tyrannique qui adore la France. 

Mais Tarek se sent étouffé par cette existence sans surprise et sans passion. Il retrouve un second souffle en ouvrant un dispensaire dans le quartier pauvre du Moqattam, où il fait la connaissance d’Ali, un habitant du lieu qui va devenir son ami. 

Ali est tout ce que Tarek n’est pas : libre, spontané, joyeux. Il va réveiller en Tarek des sentiments qu’il ignorait et le pousser à remettre en question son mariage, sa carrière et ses certitudes. 

Mais leur relation va aussi les exposer aux dangers d’une société conservatrice et intolérante, qui ne leur laisse pas d’autre choix que l’exil.


Pour ma part,

Le roman est écrit à la deuxième personne du singulier, ce qui crée une proximité avec le personnage principal et un mystère sur l’identité du narrateur. Ce n’est qu’à la fin du livre que l’on découvre qui est celui qui raconte l’histoire de Tarek et comment il sait tant de choses sur lui. 

Le style d’Éric Chacour est élégant, suggestif et touchant. Il parvient à faire ressentir au lecteur les émotions, les saveurs et les couleurs du Caire, ainsi que le déracinement et la nostalgie de l’exil. 

Une écriture prodigieuse qui mérite sa place au sommet. Mais pour ma part, la lecture à la deuxième personne du singulier me  déstabilise en général. 

Il n'en demeure pas moins que, à mon humble avis, ce roman, déjà lauréat du Prix première Plume 2023 a tout pour mériter la finale des grands Prix d'Automne. Mais l'actualité littéraire à ce jour annonce qu'il a été évincé malgré plusieurs nominations. Ceci est une autre histoire.


Quelques citations :


"On n'est jamais que ce que la société attend de soi; à cet instant précis, la société attendait de vous des visages qui inspiraient l'estime et la compassion. Certainement pas des miettes de pâtisseries que l'on essuie au coin des lèvres avec l'empressement d'un enfant gourmand."

 


"Chrétiens issus de divers rites orientaux, ils étaient originaires du Liban, de Syrie, de Jordanie ou de Palestine. Ils avaient beau être établis sur les rives du Nil depuis plusieurs générations, nombre d'entre eux maniaient mieux le français que l'arabe, ne parlant ce dernier que par nécessité. On les considérait d'ailleurs comme des étrangers, au mieux des "égyptianisés", sans qu'ils cherchent vraiment à s'en défendre.

Tu évoluais dans ce monde bourgeois et occidentalisé, sorte de bulle allogène de plus en plus anachronique. Elle était l'héritage d'une Égypte cosmopolite et tournée vers l'avenir où les différentes populations d'ascendances lointaines se fréquentaient. Les Levantins se reconnaissaient dans l'éducation européenne des Grecs, des Italiens ou des Français. Ils savaient, comme les Arméniens, le goût ferreux du sang qui précède un exil. Ces choses-là rapprochent. La famille de ton père était de celles qui avaient fui les massacres de Damas, en 1860."

 


"Ce que je sais de toi, je l'ai appris de Fatheya. Nous attendions que leurs activités respectives attirent les autres femmes de la famille hors des murs du domicile pour que je lui pose mes questions. Je m'attablais à la cuisine pendant qu'elle préparait le repas. Je descendais avec cartable et cahiers, prêt à brandir le prétexte de mes devoirs si l'on venait à nous surprendre. Mémie se montrait méfiante de me voir traîner avec la bonne; je m'empressais de la rassurer, arguant qu'il valait mieux que quelqu'un se dévoue pour surveiller le dosage d'épices de Fatheya. Il était admis de tous qu'elle avait la main lourde sur les aromates, je tenais là une excuse recevable. Ce que je sais de toi sentait l'ail et l'anis."

Éric Chacour in Ce que je sais de toi, Philippe Rey, 2023

 

Pour conclure,



+ Si vous aimez les histoires bouleversantes et les voyages littéraires, je vous recommande vivement ce livre. Un roman envoûtant et riche, qui nous embarque dans un récit captivant entre deux cultures et deux époques.

- S'abstenir si et seulement si la lecture à la deuxième personne du singulier vous dérange ou vous déstabilise. Ce choix littéraire inhabituel peut surprendre ou rebuter certains lecteurs. 

Et vous, avez-vous déjà lu Ce que je sais de toi d'Eric Chacour? En avez-vous ressenti l'émoi ?

Dans tous les cas, je vous invite à me faire part de votre avis en commentaires ou via le petit formulaire de contact situé juste en bas de cet article.


Littérairement vôtre,

Aïkà