Prix Première Plume : Connaissez-vous le lauréat 2023?

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Ami.e.s bibliophiles bonjour,

Tous les mercredis, je vous présente une œuvre lauréate d'un prix littéraire contemporain en commençant par l'incipit. 

L'incipit, c'est la première phrase ou le premier paragraphe d'un roman, qui a pour but de capter l'attention du lecteur et de lui donner envie de poursuivre sa lecture. 

Aujourd'hui je vous propose de découvrir le lauréat du Prix Première Plume 2023, dont j'ai eu l'immense privilège de faire partie du jury, et voici comment commence notre œuvre du jour: 


Ceci démontre que les premières lignes d'un roman peuvent donner le ton à une œuvre magistrale!

LE SAVIEZ-VOUS ?

Le prix Première Plume est un prix littéraire qui récompense chaque année un auteur d’un premier roman parmi la rentrée littéraire. 

Il a été créé en 2017 par l’enseigne Furet du Nord, en partenariat avec le Crédit Agricole Nord de France et L’Express.

Le jury du prix est composé de cinq libraires des librairies Decitre et Furet du Nord, de Marianne Payot, rédactrice en chef Livres chez L’Express, de cinq lecteurs collaborateurs du Crédit Agricole Nord de France, et de cinquante clients des librairies sélectionnés sur inscriptions. 

Le jury se réunit chaque année pour établir une liste de finalistes parmi les primo-romanciers de la rentrée littéraire, puis pour élire un lauréat parmi eux.

L'annonce du prix a lieu ce 28 août en ligne. Le lauréat reçoit une dotation de 5000 euros et bénéficie d’une mise en avant dans les librairies partenaires. Le lauréat 2022 du prix Première Plume est Anthony Passeron pour son roman Les Enfants endormis, publié aux éditions Globe


LE LAURÉAT DU PRIX PREMIÈRE PLUME 2023  EST :

Le roman s'intitule Ce que je sais de toi d'Éric Chacour paru en août 2023 aux éditions Philippe Rey.

Présentation de l'éditeur : 

Le Caire, années 1980. La vie bien rangée de Tarek est devenue un carcan. Jeune médecin ayant repris le cabinet médical de son père, il partage son existence entre un métier prenant et le quotidien familial où se côtoient une discrète femme aimante, une matriarche autoritaire follement éprise de la France, une sœur confidente et la domestique, gardienne des secrets familiaux. L’ouverture par Tarek d’un dispensaire dans le quartier défavorisé du Moqattam est une bouffée d’oxygène, une reconnexion nécessaire au sens de son travail. Jusqu’au jour où une surprenante amitié naît entre lui et un habitant du lieu, Ali, qu’il va prendre sous son aile. Comment celui qui n’a rien peut-il apporter autant à celui qui semble déjà tout avoir ? Un vent de liberté ne tarde pas à ébranler les certitudes de Tarek et bouleverse sa vie.

Premier roman servi par une écriture ciselée, empreint d’humour, de sensualité et de délicatesse, Ce que je sais de toi entraîne le lecteur dans la communauté levantine d’un Caire bouillonnant, depuis le règne de Nasser jusqu’aux années 2000. Au fil de dévoilements successifs distillés avec brio par une audacieuse narration, il décrit un clan déchiré, une société en pleine transformation, et le destin émouvant d’un homme en quête de sa vérité.

BONUS DE LIRE DÉLIRE 
Pour vous inspirer, je vous propose ci-dessous la lecture des premières lignes du Prix Première Plume 2023 :

TOI

1

Le Caire, 1961 

– Quelle voiture voudrais-tu, plus tard ? Il avait posé cette simple question, mais tu ignorais alors qu’il fallait se méfier des questions simples. Tu avais douze ans, ta sœur dix. Vous vous promeniez avec votre père sur le bord du Nil, dans le quartier résidentiel de Zamalek. Porté par le cortège sonore d’une circulation désordonnée, ton regard s’oubliait sur cette tour en forme de lotus qui venait de surgir de terre. La plus haute d’Afrique, affirmait-on fièrement. Et construite par un melkite ! Ta sœur, Nesrine, n’avait pas attendu que tu répondes pour s’exclamer : – Celle-ci, Baba ! La grosse rouge, là-bas ! – Et toi, Tarek ? Cette considération ne t’avait jamais effleuré l’esprit. – Pourquoi pas… un âne ? Tu crus bon de te justifier : C’est moins bruyant. Ton père força un rire qui signifiait que ta réponse n’était pas recevable. À moins que ce ne fût pour se convaincre que tu blaguais. Nesrine détachait une mèche de ses cheveux noirs pour l’enrouler autour de son index ; elle répétait ce geste quand elle cherchait à prendre la parole. Visiblement persuadée qu’un peu d’insistance lui permettrait de terminer l’après-midi au volant de sa décapotable, elle réitéra avec un enthousiasme décuplé : – Moi, je veux la rouge, Baba ! Avec le toit qui s’ouvre ! Le regard de ton père te fit comprendre qu’il attendait toujours ta réponse. Pour lui faire plaisir, tu tentas au hasard : – Je voudrais la voiture noire, là-bas. Celle qui est arrêtée au coin. Ton père s’éclaircit la voix ; il pouvait procéder à sa démonstration : – Tu as raison, c’est une belle américaine. Une Cadillac. Tu sais qu’elle coûte cher ? Il te faudra un bon travail pour pouvoir te l’offrir. Ingénieur ou médecin. Lequel préférerais-tu ? Il s’adressait à toi sans te regarder, l’attention détournée par la pipe qu’il venait de coincer entre ses lèvres. Aspirant à vide dans un léger sifflement, il enclencha un rituel qui t’était à la fois mystérieux et coutumier. Satisfait de l’écoulement de l’air, il sortit de sa poche un sachet de tabac dont tu n’aurais su dire si l’odeur, par trop familière, te plaisait ou non. Il bourra ensuite le foyer, tapant de son majeur droit pour que les feuilles séchées trouvent leur place, puis tassa le tout avec application. Chaque étape de la méticuleuse opération semblait destinée à t’offrir un délai raisonnable de réflexion. Lorsqu’il remit en bouche l’instrument pour en vérifier le tirage, tu compris qu’il ne te restait que peu de temps pour répondre. Le claquement du briquet retentit comme une alarme de minuterie. Dans la fumée des premières bouffées, tu hasardas sans conviction : – Médecin, plutôt… Il s’immobilisa un instant, comme s’il considérait une offre que tu viendrais de lui faire, puis lâcha sobrement : – Bien, mon fils, c’est un bon choix. C’était un choix par défaut : tu ignorais ce en quoi consistait le métier d’ingénieur. Cela n’avait plus d’importance, son fils serait médecin comme lui. Il n’avait plus besoin d’argumenter. Les doigts qui t’apprendraient un jour ton futur métier tassèrent d’un bourre-pipe les premières cendres de votre conversation. Pendant que ton père rallumait d’une flamme sa pipe, tu t’imaginais revêtant sa blouse blanche, celle qu’il portait au rez-de-chaussée de votre villa de Dokki dont il avait fait son cabinet. Tu avais l’âge de n’avoir pour projets que ceux que l’on formait pour toi ; n’était-ce réellement qu’une question d’âge ? Votre marche se poursuivait dans le silence. Chacun semblait absorbé dans ses pensées. Lorsque le tabac fut consumé, ton père consulta sa montre de gousset, celle qui portait à son dos ses initiales. Et incidemment, les tiennes. Il était l’heure de rentrer. Elle affichait systématiquement l’heure de rentrer quand il ne restait plus rien à fumer. Infaillible synchronicité entre pipe et montre de gousset. Le soir venu, tu annoncerais à ta mère que tu serais un jour docteur. Sans émotion, comme on transmet une information anodine que l’on vient d’obtenir. Elle accueillerait la nouvelle avec autant d’enthousiasme que si tu venais de lui présenter ton diplôme d’État avec mention. Nasser construisait le plus grand pays du monde et ta mère avait décidé que tu en serais le plus prestigieux médecin. Un peu plus tôt, Nesrine t’avait fait promettre de lui acheter une voiture rouge décapotable. Tu avais douze ans. Tu te méfierais désormais des questions simples.

Source : Google Livres

Félicitations à Éric Chacour et à la maison d'édition Philippe Rey pour cette belle distinction. 

Et vous, avez-vous déjà lu ce chef-d'œuvre ? Quel en est votre avis? 

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Littérairement vôtre,

Aïkà