#LaColèreetlEnvie #NetGalleyFrance : Lu Audio & Approuvé



Temps de lecture estimé : 2 minutes_

Ami.e.s De Lire bonjour,


Bienvenue dans notre rubrique Lu et Approuvé.

Avant de toute chose, je tiens à remercier chaleureusement NetGalley et Lizzie pour cette découverte éditoriale remarquable.

Aujourd'hui nous allons parler du livre audio intitulé La Colère et l'Envie d'Alice Renard d'Alice Renard, lu par Hugues Boucher, Grétel Delattre, Alice de Lencquesaing, Michel Favory publié en novembre 2023 par Lizzie, 3 heures et 14 minutes.

#LaColèreetlEnvie #NetGalleyFrance


PRÉSENTATION DE L'ÉDITEUR

Isor n’est pas comme les autres. Une existence en huis clos s’est construite autour de cette petite fille mutique rejetant les normes. Puis un jour, elle rencontre Lucien, un voisin septuagénaire. Entre ces âmes farouches, l’alchimie opère immédiatement. Quelques années plus tard, lorsqu’un accident vient bouleverser la vie qu’ils s’étaient inventée, Isor s’enfuit. En chemin, elle va enfin rencontrer un monde assez vaste pour elle.

La Colère et l’Envie est le portrait d’une enfant qui n’entre pas dans les cases. C’est une histoire d’amour éruptive, d’émancipation et de réconciliation. Alice Renard impose une voix d’une incroyable maturité ; sa plume maîtrisée sculpte le silence et nous éblouit.

La Colère et l'envie d'Alice Renard a reçu le Prix Méduse 2023 et le Prix littéraire de la Vocation.

#LaColèreetlEnvie #NetGalleyFrance


Trouver sa voix, sa voie


Isor n'est pas muette. Elle est "étrange" et "différente". Ceci est la conclusion de toute une saga d'examens médicaux, pédiatriques, psychologiques, psychiatriques qui a duré depuis nourrisson jusqu'à ses six ans. Elle est en bonne santé, se porte à merveille, a crises spectaculaires de rires, de pleurs et d'intelligence mais ne parle pas. Et nul ne comprend pourquoi.

Il a donc été décidé que la fillette n'ira pas à l'école. Elle grandira solitaire, entourée uniquement de ses parents, Maud et Camilio, en retrait, voir en marge des cadres , des protocoles et des normes occidentales. 

Jusqu'au jour où, adolescente, Isor fait la connaissance de Lucien, son voisin, un paisible retraité.  

Cette rencontre va bouleverser le trio familial et entrainer la jeune fille dans une aventure initiatique insolite et incroyable.

Tour à tour, Maud, Camilio, Lucien et Isor vont nous conter leur vécu, leur récit. 

Pour ma part,

Je n'ai pas eu la possibilité de découvrir plus tôt le roman lauréat de plusieurs prix littéraires ; pour rattraper mon retard, je me suis tournée vers cette version audio.

Tel une prodige, l'auteure a le don de manier les mots, et de nous emporter dans une analyse psychologique sublime, approfondie et révélatrice. Dans la mesure où Isor grandit en dehors de tous les cadres, La Colère et l'Envie est le miroir interrogateur de notre système en général : obligation de socialisation, de scolarisation, de production etc. N'existe-t-il pas d'autres manières d'occuper cette vie et cette planète ?

C'était extraordinaire, cependant j'émet une minuscule réserve quant aux péripéties quelque peu tirées par les cheveux à mon goût : dans ce texte résolument réaliste, j'ai eu du mal à adhérer à certains aspects de l'intrigue, qui m'ont paru peu crédibles, trop invraisemblables ou déconnectés de la réalité de nos jours. Si je vous détaille les exemples, j'en dirai trop alors vous le découvrirez en écoutant l'œuvre. 

Mais après tout, n'est-ce pas là le propre de la fiction : la place privilégiée du merveilleux et de la réflexion ? En effet, le récit interroge et apporte un regard différent sur nos codes et nos normes et laisse entrevoir d'autres alternatives. 

Pour en revenir à la principale force de ce récit : les sons, les rythmes, les images façonnées par les mots. 

Ici, dans la version audio, les mots sont fondants, foisonnants, luxuriants, et talentueusement mis en voix par des comédiennes et des comédiens d'exception. 

Leurs voix laissent immédiatement deviner leurs personnages respectifs. 

Maud, interprétée par Grétel Delattre a la voix d'une femme dans la fleur de l'âge, active, stricte mais juste; le timbre est médian entre douceur et sévérité. 

Camilio, interprété par Hugues Boucher, est lui aussi un homme dans la fleur de l'âge, actif, confiant et un brin poète ; le timbre est allègre, il a la voix qui sourit; en revanche, on ne devine pas qu'il est Italien. 

Isor, interprétée par Alice de Lencquesaing, a une voix tendre un peu gauche au début et qui évolue au fur et à mesure de l'épanouissement du personnage, le timbre est rafraichissant. 

Le meilleur pour la fin, Lucien, interprété magistralement par Michel Favory : la voix soufflante et rocailleuse de celui qui a tout vécu, le timbre est sublime et nous emporte vers des horizons lointains.

Je suis satisfaite de cette version audio qui, à mon humble sens, transcende le récit en le rendant plus vrai que nature. 

Bien que la version littéraire soit auréolée d'une critique élogieuse, je suis convaincue que la version audio est plus intense, plus frénétique.

Je recommande.


Quelques citations :



Quand on est jeune, il est absolument impossible de s'imaginer ce que c'est qu'être vieux. Même avec un esprit vif et plein d'imagination, cette idée-là est hors de portée. 
Peut-être peut-on concevoir ce que le corps subit : l'arthrose, la faiblesse dans le corps pour marcher, dans les bras pour soulever, dans les mains pour ouvrir le moindre opercule.
Mais combien l'esprit se fatigue et s'oublie, non, non, c'est inconcevable. Le courage, la patience qui manque à chaque imprévu. Les moindres perturbations vécues comme des bouleversements dont il faut parfois quinze jours pour se remettre. Cette impression qu'on a vidé tous les stocks : d'amabilité, d'enthousiasme, de volonté. Et cette étrange parcimonie de la tendresse qui s'instaure lorsque l'on se persuade que les réserves sont épuisées...

J'ai toujours été mal à l'aise en compagnie d'enfants. De mon temps, les enfants, soit on les ignorait, soit on les traitait en adultes avant l'âge. C'était nous, les adultes, qui tirions leur sort à pile ou face. Aujourd'hui, j'ai l'impression que les enfants ont perdu leur étymologie. Ils ne sont plus in-fans, ceux qui ne parlent pas encore : ils ont appris à importuner. Ce sont des boîtes à questions, des moulins à demandes. Toujours à attendre de vous quelque chose. Pire que des créanciers, ils vous réclament des comptes.

Un regret, ça ne se conserve pas comme une boule à neige, en mémoire d'un voyage passé. Un regret, aussi, ça peut se jeter à la poubelle.

Ses larmes surtout me font peur et me sont étrangères. Impossible de se reconnaître, ni pour moi ni pour personne, dans ces larmes-là. Quelquefois, on croirait des larmes acides, ou la résine d'un feu. Elles coulent sur son visage avec une telle souffrance, et pour des causes tellement inexpliquées ou absurdes, que toute consolation paraît d'avance inutile. On ne peut parler de caprice. On a presque envie de parler de deuil.
C'est dans les larmes que l'on pressent la douleur qui doit être la sienne. Une douleur indescriptible, au-delà de tout. Pas au-delà en intensité, non. Simplement, elle prend place hors de là où gisent les douleurs ordinaires. Celle-ci se situe plus loin, plus profond, sur une autre couche, proprement indéracinable. À côté de toute vraisemblance. Vissée à son être par des vis de fer.

Certain vieux deviennent méthodiques et disciplinés par désœuvrement, ce n'est pas mon cas. Classer, trier, ranger. Ce n'est ni une occupation ni un toc, mais bien, je le reformule, un gilet de sauvetage, un acte de survie et une éthique.

Vous savez, il ne faut jamais attendre une vengeance ou un dédommagement, ou vouloir remplacer les morts. Le vide que les morts laissent ne se rebouche jamais, on ne se remet jamais de cette béance - mais j'ai compris que l'on pouvait créer le plein à côté du gouffre, ça oui. Idem pour sa place. Ce qui est perdu ne revient pas mais à côté, en marge, ailleurs, on peut retrouver un rôle. Et c'est ce qui se passe pour moi. Avec elle, je reconstruis quelque chose. Autre chose.

L'amour a sa grammaire. Et comme dans toutes les langues, sans la pratiquer, on la perd. Au fil des mois, j'ai réappris L'Absence, l'Attente, Le Comblement, la Dépendance, la Fête, l'Impatience, la Jalousie, le Rêve et la Rêverie, le Ravissement, le Rendez-vous, la Solitude et le Souvenir. Tout un abécédaire que je potasse studieusement. J'aime être cet écolier des sentiments.
Dis, dis, mon Isor, reviendras-tu demain après-midi?

Je n'ai aucun doute sur ce que cette vision signifie. Qu'il faut que je me protège un peu de toute cette affection qui m'envahit. Je ne pardonne pas tout à fait à Isor, malgré ce que j'en pense. Elle ne sait pas ce qu'aimer veut dire, accaparée comme elle l'est par son sentiment, tout neuf. Moi, je sais ce que perdre implique, et je veux ne jamais avoir à le revivre. Jamais. À son âge, on dit merde aux risques, merde aux conséquences. Au mien, on prend toutes les précautions du monde.
Dans une vie on n'a qu'un stock limité de patience et d'endurance. Je l'ai dit, je sais qu'il m'en reste très peu, et j'économise. Je ne saurais faire face à une perte de plus. Elle, elle est encore à l'âge où l'on se remet de n'importe quoi, où l'on encaisse les coups. J'ai peur d'une catastrophe c'est dans ma nature. Il ne faudra plus jamais m'abandonner... (Je crois que je pourrais en pleurer.) Il est vrai, comme le notait Sénèque, que les vieillards sont pareils aux petits enfants, pleins de peurs imaginaires et d'impatience. Non, Isor ne sait rien encore de l'attachement et de comment cela peut vous éviscérer. 

Elle ne distingue pas la frontière entre ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, parce que c'est trop dangereux ou trop intime. Elle n'a pas compris que c'était la tâche des anges.


Il est vrai, comme le notait Sénèque, que les vieillards sont pareils aux petits enfants, pleins de peurs imaginaires et d’impatience.

Je crois en la vertu du rangement. Que toute chose a sa place et qu’il faut l’y remettre. Si elle n’en a pas, lui en donner une. Si vous ne prenez pas les devants sur le chaos, vous êtes foutu. Il vous engloutit, impitoyable. Il y a longtemps, un jour, j’ai perdu ma place. Alors je fais ce que je peux avec les objets, qu’au moins les choses qui m’entourent, elles, ne soient pas égarées.

Et comme pour tout le reste, Isor fracasse mes habitudes au marteau. Non seulement à chacun de ses passages elle laisse ma maison en pagaille, et ce désordre-là, je le chéris, mais en plus, à moi, elle me rend une place - ce que je croyais impossible.
Vous savez, il ne faut jamais attendre une vengeance ou un dédommagement, ou vouloir remplacer les morts. Le vide que les morts laissent ne se rebouche jamais, on ne se remet jamais de cette béance - mais j'ai compris que l'on pouvait créer le plein à côté du gouffre, ça oui. Idem pour sa place. Ce qui est perdu ne revient pas - mais à côté, en marge, ailleurs, on peut retrouver un rôle. Et c'est ce qui se passe pour moi. Avec elle, je reconstruis quelque chose. Autre chose.

Lucien, il m'a donné le monde. Il m'a dit avec ma colère et mon envie je saurai vivre. Toi et toi, tu as peur, le sais. Lucien lui c'est ma confiance. Dit qu'avec la colère et l'envie on vit peut-être même mieux que les autres.

Et à bientôt cinquante ans nous osons également réclamer un peu de paix, à défaut d’avoir eu notre destin rêvé. N’est-ce-pas un droit universel, une fois écoulés les deux tiers de sa vie ? Du calme en échange de ses espoirs en miettes ? Parce que ça demande du courage, aussi, de tenir bon, un courage qui a juste moins d’éclat.


Alice Renard in La Colère et l'Envie, Lizzie, 2023.

Chapitres


Première partie
Deuxième partie
Troisième partie
Épilogue 

Pour conclure, 


#LaColèreetlEnvie #NetGalleyFrance

+ Le bon point : La Colère et l'Envie est une parabole sur l'isolement, la transmission et les mystères de l'âme humaine. Les voix de Hugues Boucher, Grétel Delattre, Alice de Lencquesaing et Michel Favory ont transcendé à merveille ce récit d'une rare beauté. À réécouter pour le plaisir des mots et des leçons de vie. Et je suis convaincue que la version audio est plus intense que la version littéraire.

- Le moins bon point : Si l'histoire se veut ultra réaliste, certaines péripéties sont néanmoins peu crédibles. 

* La note De Lire Délire : 18/20

LE SAVIEZ VOUS ?

Alice Renard est une jeune écrivaine française, née en 2002 à Paris. Elle est diplômée en littérature médiévale à la Sorbonne et s'intéresse aux questions de neurodiversité et d'hypersensibilité. La Colère et l'Envie est son premier roman.

Et vous, avez-vous déjà écouté La Colère et l'Envie d'Alice Renard, lu par Hugues Boucher, Grétel Delattre, Alice de Lencquesaing et Michel Favory ? 

#LaColèreetlEnvie #NetGalleyFrance

Dans tous les cas, je vous invite à me faire part de votre avis en commentaire ou via le petit formulaire de contact situé juste en bas de cet article.


Littérairement vôtre,

Aïkà