La littérature de la fin du XIXe au début du XXe siècle: Le symbolisme


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Ami.e.s De Lire bonjour,


Bienvenue dans notre série de l'été intitulée Une exploration de l'histoire fascinante de la littérature française.

Après avoir vu le sixième épisode de la littérature française réaliste et naturaliste, aujourd'hui, nous allons parler du mouvement littéraire qui a marqué la littérature française de la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle : le symbolisme. 

Un peu d'histoire


Tableau : Ulysse et Calypso par Arnold Böcklin, 1882

Paris, au tout début du XXe siècle.

Plusieurs événements et courants de pensée  influencent l'apparition du symbolisme en littérature française. 

La crise spirituelle et morale qui touche la société française après la défaite de 1870 face à la Prusse et la Commune de Paris, entraînent un sentiment de décadence et de pessimisme.

L’influence du mouvement décadent se manifeste par une volonté de transgression des normes sociales et morales, une fascination pour le mal, le vice et la mort, ainsi qu’une recherche de sensations raffinées et artificielles.

Le développement des sciences et des techniques remet en cause les certitudes religieuses et philosophiques et suscite aussi un intérêt pour les phénomènes occultes, paranormaux ou psychiques.

L’influence des littératures étrangères, notamment anglaise (Edgar Allan Poe, Oscar Wilde), russe (Fiodor Dostoïevski), belge (Charles Baudelaire) ou scandinave (Henrik Ibsen), apporte aux écrivains français des thèmes inexplorés et des formes nouvelles .

Le symbolisme

Soyez symboliste. Composition par Paul Gauguin (1848-1903) pour La Plume avec le portrait de Jean Moréas (1856-1910)

Le symbolisme est un mouvement littéraire et artistique qui apparaît en France à la fin du XIXe siècle, en réaction contre le naturalisme et le réalisme qui cherchaient à représenter le monde tel qu'il est, avec ses aspects les plus triviaux ou les plus sombres. 

Le symbolisme, au contraire, vise à exprimer l'idéal, le rêve, l'âme, le mystère, à travers des images, des symboles, des correspondances. 

Le symbolisme est donc un art poétique, qui privilégie la suggestion, l'évocation, la musicalité ainsi que la valorisation de l’imaginaire, du rêve et du symbole. 

Le symbolisme naît officiellement en 1886 avec le manifeste de Jean Moréas, mais il trouve ses origines dans les œuvres de Baudelaire, Verlaine, Nerval ou Rimbaud. 

Il se développe principalement dans la poésie, avec des auteurs comme Mallarmé, Valéry ou Laforgue, mais aussi dans le roman (Huysmans), le théâtre (Maeterlinck) ou la critique (Gourmont).

Les maîtres du symbolisme***

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Les principaux représentants du symbolisme sont des poètes comme Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé, Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, ou encore des écrivains comme Paul Valéry, Joris-Karl Huysmans, Remy de Gourmont.

Stéphane Mallarmé 1842-1898 

Portrait de Stéphane Mallarmé photographié par Nadar, vers 1890

L’après-midi d’un faune est un poème écrit par le poète français Stéphane Mallarmé et publié en 1876. 

Il s’agit du monologue d’un faune, une créature mythologique mi-homme mi-bouc, qui raconte ses souvenirs et ses fantasmes avec des nymphes dans un décor bucolique. 

Le poème est composé de 110 vers de douze syllabes, appelés dodécasyllabes, et se présente comme une églogue, c’est-à-dire un dialogue pastoral. 

Le poème est célèbre pour sa musicalité, sa richesse symbolique et son ambiguïté érotique.

 Il a inspiré plusieurs artistes, notamment le compositeur Claude Debussy qui en a tiré un prélude pour orchestre en 1894, et le danseur Vaslav Nijinski qui en a créé un ballet en 1912. 


Paul Verlaine 1844-1896

Portrait de Paul Verlaine, photographie anonyme

Jadis et Naguère est un recueil de poèmes de Paul Verlaine publié en 1884 chez Léon Vanier. 

Une édition bibliophilique a été réalisée en 1971 avec 17 lithographies de Gabriel Dauchot (Le Livre contemporain).

Le recueil de 42 pièces est assez disparate et reprend pour l’essentiel des poèmes écrits plus de dix ans plus tôt. 

Il comporte le célèbre Art poétique qui proclame dès les premiers vers les choix de Verlaine : 
« De la musique avant toute chose
Et pour cela préfère l’impair
Plus vague et plus soluble dans l’air
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose »

On y trouve aussi le poème Langueur (À la manière de plusieurs, II) dont les premiers vers furent reconnus comme fondateurs par les décadentistes : 

« Je suis l’Empire à la fin de la décadence
Qui regarde passer les grands barbares blancs
En composant des acrostiches indolents,
D’un style d’or où la langueur du soleil danse »

Verlaine y présente une conception personnelle de la forme et de l’expression poétiques, en particulier sa préférence pour le vers impair (vers comprenant un nombre impair de syllabes). 

Le deuxième quatrain de ce poème est parfois considéré comme un manifeste de l’esthétique du symbolisme :
« Il faut aussi que tu n’ailles point… Où l’indécis au Précis se joint »

Arthur Rimbaud 1854-1891

Photographie: Portrait de Rimbaud par Etienne Carjat, 1871

Le recueil Poésies complètes d’Arthur Rimbaud est une collection de ses poèmes écrits entre 1870 et 1872, publiée après sa mort en 1895. 

Il contient des poèmes de sa première période, marquée par l’influence du romantisme et du Parnasse, ainsi que des poèmes de sa deuxième période, plus novatrice et symboliste.

Le recueil est divisé en deux parties : Jadis et Naguère, qui rassemble les poèmes de la première période, et Vers nouveaux et chansons, qui rassemble les poèmes de la deuxième période. 

La première partie comprend des poèmes célèbres comme Le Dormeur du val, Le Bateau ivre, Voyelles ou Ma Bohème. La deuxième partie comprend des poèmes plus audacieux comme Génie, Jeunesse ou Fêtes de la faim.

Le recueil témoigne de l’évolution poétique de Rimbaud, qui passe d’une forme classique et régulière à une forme plus libre et expressive. Il montre aussi son rapport à la poésie, qu’il considère comme un moyen de se libérer des contraintes sociales et morales, mais aussi comme une source de souffrance et d’ennui. Il exprime son désir de voyager, de changer de vie, de connaître l’inconnu. Il est mort en 1891 d’un cancer à l’âge de 37 ans.

REMARQUES : 

Le titre Poésies complètes est un peu trompeur, car il ne regroupe pas tous les poèmes de Rimbaud. Il exclut notamment Une saison en enfer et la plupart des Illuminations, qui sont des œuvres majeures de l’auteur. 

Le recueil a été publié sans l’accord ni la participation de Rimbaud, qui avait abandonné la poésie depuis 1875 pour se consacrer à d’autres activités (commerce, exploration, journalisme).  Son œuvre a été redécouverte et admirée par les générations suivantes de poètes, qui y ont vu une source d’inspiration et de révolution.

Paul Valéry 1871-1945

Photographie: Portrait de Paul Valéry par Henri Manuel, années 1920

Tel quel de Paul Valéry est un recueil d’essais publié en 1884. 

Il contient des réflexions sur l’art, la littérature, la philosophie, la science, la politique et la religion.

Tel quel est le titre que Valéry a donné à l’ensemble de ses écrits en prose, qu’il considérait comme des « exercices de l’esprit ». 

Il voulait ainsi exprimer son refus de toute systématisation et de toute dogmatique. Il préférait présenter ses idées « telles quelles », c’est-à-dire sans les modifier ni les ordonner selon un plan préconçu.

Le recueil se compose de deux parties : Autres Rhumbs et Pièces sur l’art. La première partie regroupe des textes variés, allant de l’introduction à la méthode de Léonard de Vinci à des notes sur la guerre de 1914-1918, en passant par des dialogues fictifs avec des personnages historiques ou littéraires. La deuxième partie rassemble des essais sur la peinture, la musique, la danse, la poésie et le théâtre.

Le recueil témoigne de la curiosité et de l’érudition de Valéry, qui s’intéressait à tous les domaines du savoir et de la création. Il montre aussi sa volonté de dépasser les oppositions traditionnelles entre les disciplines, en cherchant à établir des liens entre l’art et la science, le sensible et l’intelligible, le concret et l’abstrait.

Le recueil révèle enfin la personnalité complexe et paradoxale de Valéry, qui se définissait comme un « poète-philosophe ». Il était à la fois un artiste soucieux de la forme et du style, et un penseur critique et lucide; admirateur de la tradition classique et innovateur audacieux; homme engagé dans son temps et solitaire contemplatif .

Joris-Karl Huysmans 1848-1907

Photographie : Joris-Karl Huysmans par André Taponier (1904)

À rebours de Huysmans est un roman qui a marqué l’histoire littéraire par son originalité et son audace.

 Il raconte la vie d’un aristocrate décadent, Jean des Esseintes, qui se retire du monde pour se consacrer à ses goûts raffinés et excentriques. 

Il s’agit d’un roman sans intrigue, qui se présente comme un catalogue des préférences et des aversions de son héros, en matière de littérature, d’art, de musique, de parfum, de fleurs, etc. 

Le roman est considéré comme un manifeste du mouvement décadent et symboliste, qui s’oppose au naturalisme dominant de l’époque. Il a influencé des écrivains comme Oscar Wilde, André Breton ou Antonin Artaud. 

ET VOUS ? 

Quelle est votre œuvre préférée issue du courant symboliste? 

Pour ma part, un tendre souvenir de mes années collèges intitulé "Le Dormeur du val". A l'époque, la récitation du plus célèbre poème de Rimbaud était obligatoire:

C’est un trou de verdure où chante une rivière

Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Arthur Rimbaud, octobre 1870

Ce qu'il faut retenir,

Tableau : Jeunes Filles au bord de la mer par Pierre Puvis de Chavannes, 1879

Le symbolisme se veut une expression de l’âme, de l’inconscient et du mystère.

Le symbolisme apparaît en réaction contre le naturalisme et le réalisme, qui dominent la société et la littérature de l’époque. Il exprime le malaise et la décadence de la fin de siècle, ainsi que le désir d’échapper à la réalité matérielle et rationnelle.

Le symbolisme se fonde sur l’idée que le monde sensible n’est qu’une apparence, qui cache une réalité supérieure et spirituelle. Le poète symboliste cherche à révéler cette réalité cachée à travers des symboles, des images, des correspondances, des sonorités et des rythmes qui suggèrent plus qu’ils ne nomment.

Le symbolisme influence d’autres domaines artistiques comme la peinture (Moreau, Redon), la musique (Debussy, Fauré) ou le cinéma (Méliès). Il a aussi une portée internationale, avec des représentants dans d’autres pays européens comme l’Angleterre (Yeats), la Belgique (Verhaeren), la Russie (Blok) ou la Scandinavie (Ibsen).

Le symbolisme a eu une influence durable sur la littérature française du XXe siècle, notamment sur le surréalisme, ce que nous ne manquerons pas de voir au fil de notre exploration de l'histoire fascinante de la littérature française.

Le mot de la fin

 
***Je précise que tous les classements sont non exhaustifs et purement subjectifs signés De Lire Délire.

Dans tous les cas, j'espère que ce billet vous a donné envie de vous replonger dans la littérature française du symbolisme.

Rendez-vous jeudi prochain pour notre huitième épisode sur le surréalisme.

D'ici là, n'hésitez pas à me laisser vos commentaires ou vos questions, je me ferai un plaisir d'y répondre en temps réel.

Littérairement vôtre,

Aïkà

Sources: *Wikipédia **Google Livres