Lu et Approuvé : Par la force des arbres de Dominique Mermoux et Édouard Cortès
Par la force des arbres
Ami.e bibliophile bonjour,
Bienvenue dans notre rubrique Lu et Approuvé.
Aujourd'hui nous allons parler de l'album Par la force des arbres de Dominique Mermoux et Édouard Cortès.
Comme un mantra ou un cri de guerre : Par la force des arbres
Son passé derrière lui, consigné dans une pile de dossiers, notre héros se prépare pour un projet qu’il nourrissait depuis la liquidation administrative de son exploitation. Celui qui fut autrefois berger embarque aujourd’hui, 21mars, pour une grande odyssée. Pas au bout du monde ni au centre de la terre encore moins à 20000 lieues sous les mers mais en lui-même. Son vaisseau ? Cette cabane idéale juchée à six mètres du sol, dans le secret de la forêt pas loin de son domicile.
Cette cabane, construite en quelques semaines de ses propres mains, comme un refuge à l’abri de ses pensées morbides, à l’abri de la pression financière et du chaos administratif propre au milieu agricole.
Cette cabane au beau milieu des arbres, comme un bercail, un berceau, « un trait d’union entre le ciel et la terre ».
Avec la bénédiction de son entourage, notre héros se retire en ermitage au cœur de la forêt du Périgord noir pendant tout le printemps.
Pour ma part,
Enfant de la région,ayant grandi à l’école buissonnière, dans le sens noble du terme, toute sa vie, notre héros n’aspirait qu’à une chose : rester en contact avec la nature et vivre de sa passion. Père de famille nombreuse, c’est donc naturellement qu’il poursuivit l’affaire familiale d’élevage de moutons.
Mais survient la cavalcade des normes restrictives, des obligations de résultat, de la concurrence des exploitants « moins chers », des intempéries et autres coups du sort, des demandes de subvention, de la dématérialisation des démarches…
Ainsi arrivent la faillite, la vente et dans son spectre, le sentiment d’avoir baissé les bras. Et pire encore : la volonté d’en finir avec la vie…
Travailler dans le secteur agricole aujourd’hui est une entreprise de tous les périls: si l’on ne dispose pas d'importants capitaux , c’est comme s’engager dans un labyrinthe dont on n’est jamais certain d’en voir le bout.
Face à toutes ces difficultés, pour échapper au burn-out, à la dépression et rester maître de lui-même, notre héros a choisi stratégiquement de battre en retraite par l’isolement au cœur de la forêt.
Un isolement thérapeutique, auto-prescrit. Au cœur de la forêt, à la merci des intempéries, de la frugalité et de la vie sauvage. L’instinct humain sait ce dont il a vraiment besoin et connaît le remède au mal qui le ronge. La forêt est un lieu de recueillement, de silence et de consolation.
Cet album aquarelle aux mille couleurs vives détaillées au pinceau fin est de toute beauté. Lumineux, en mettant l’accent sur la végétation et le reflet des rayons du soleil sur chaque surface, il illustre magnifiquement le retour aux sources et la renaissance par la force des arbres. Comme le titre nous l’indique, les arbres ont une force consolatrice et énergisante qui ne demande qu’à être transmise au monde vivant. Notre civilisation étant ce qu’elle est, soit principalement sociale et urbaine, cette histoire montre les potentiels bienfaits d’un séjour en forêt sur notre santé en général et notre humeur en particulier. Ce genre de pratique est déjà courant dans de nombreuses cultures.
Cet album étant l’adaptation graphique du roman éponyme, il dénonce également
les difficultés du monde agricole capitaliste: les normes de plus en plus strictes, les obligations, la poursuite du rendement maximal etc.
Dans ce contexte, si certains exploitants arrivent à s’adapter et à tirer leur épingle du jeu, d’autres n’ont guère le choix que de renoncer à leur entreprise.
D’une part, cet album permet de donner un cadre pour s’interroger sur le phénomène de surmortalité par suicide en agriculture : l’étude de la MSA en 2019, sur des données 2015, fait état de deux suicides par jour (par pendaison et arme à feu). Par rapport à la population générale, il s’agit malheureusement d’une surmortalité.
D’autre part, il alerte sur l’urgente nécessité d’élaborer une politique publique efficace et volontaire à destination des agriculteurs en difficultés. Source : senat.fr
Enfin, cet album illustre le bonheur et la chance d’être bien entouré et soutenu dans l’adversité. Une famille aimante,compréhensive et solidaire avec ses choix, des amitiés de toujours sur qui l’on peut compter : cela n’a pas de prix. Par la force des arbres, notre héros renaît, ragaillardi et prêt à vivre de nouvelles aventures.
Pour conclure,
+À lire pour découvrir le témoignage illustré de la réussite d'une thérapie par l'isolement en forêt: au départ, pendant le séjour en forêt et au retour à la vie en société. Et pour comprendre la situation des professionnel.le.s de l'élevage et de l'agriculture.
- S'abstenir si vous ne croyez pas aux bienfaits des arbres sur les êtres humains et que vous avez la conviction que rien ne doit changer dans notre système agricole actuel.
Et vous, avez-vous déjà lu Par la force des arbres de Dominique Mermoux et Édouard Cortès ? En avez-vous ressenti la grandeur ?
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Littérairement vôtre,
Aïkà
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21.05.2023